2018-09-11 18.03.33

L’engouement des Occidentaux pour les Voies spirituelles orientales.

Vers la fin du 19ème siècle, l’Europe a connu un engouement pour l’Extrême Orient. Ses arts, sa philosophie et ses religions se sont introduits dans la culture européenne. La jeunesse s’est particulièrement intéressée aux pratiques spirituelles qui ne s’appuyaient pas sur la culpabilité et ne méprisaient pas le corps. Bien au contraire, le corps était vu comme le véhicule indispensable et incontournable de toute démarche spirituelle. C’est avec cette compréhension et cette attente que nous nous sommes tournés vers l’hindouisme et le yoga, le bouddhisme et le zen.
Cela semblait être la réponse à un Occident où la pensée est toujours à la manoeuvre, où le mental confère la puissance pour dominer et exploiter. La science nous permet de « voler le feu aux dieux », la technologie remplace de plus en plus l’être humain par la machine. La séparation entre l’esprit et la matière, entre le corps et l’esprit s’est radicalisée, le virtuel prenant de plus en plus de place dans nos vies.

Les pièges d’une approche seulement mentale.

La doctrine bouddhique et sa pratique peuvent alors, dans ce contexte, être parfois mal comprise. On a tendance à croire que la réalité peut être traduite par le langage et comprise par les mots. Cette croyance nous fait prendre la Voie du Bouddha pour ce qu’elle n’est pas : seulement une philosophie. Les maîtres zen, eux, utilisent les mots pour parler d’une pratique qui prend corps dans notre vie, une pratique qui change notre vie.
Tout individu, si sa vie est limitée à une dimension matérielle, éprouve de l’insatisfaction. Chacun de nous aspire à une dimension d’infini, sans limites, à une dimension d’éternité. Les occidentaux, avant de s’engager dans une nouvelle Voie spirituelle, veulent s’assurer qu’ils ne s’engagent pas dans une Voie erronée. Nous voulons comprendre dès le départ si cette nouvelle spiritualité que nous allons choisir peut combler nos aspirations, si elle répond aux problèmes rencontrés par l’Homme moderne. C’est comme cela que nous étudions la doctrine bouddhique et sa philosophie.
Si l’on en reste à cette étude philosophique – certes intéressante – on voit que notre vie ne change pas et que l’on y rencontre toujours les mêmes difficultés, les mêmes peurs. L’enseignement bouddhique, même s’il doit être étudié, ne se réalise que dans notre propre vie. C’est à partir de là, en mettant en pratique les enseignements du Bouddha, que l’on devient vraiment disciple du Bouddha.

S’ouvrir à la Voie du Bouddha

La sagesse du Bouddha effleure chacun de nous un jour ou l’autre – ce peut être une nuit, au son de la rivière, ou devant la pure beauté d’un matin de printemps, ou dans la rencontre avec un homme de la Voie qui nous touche au plus profond. Ces moments merveilleux, ces instants de grâce, nous font ressentir que la paix, la pureté, l’amour sont la nature même de l’univers, qu’ils sont en correspondance avec notre être le plus profond. Ils nous font pressentir que cet état de perfection doit exister dans notre vie.
Celui qui se tourne vers le bouddhisme sent bien que l’univers est porteur de cette paix, de cette pureté, de cet amour. Il sent bien que l’être humain a marché dans de mauvais chemins et qu’il s’est écarté de cet état. C’est alors que, poussé par la nostalgie, il aspire à retrouver le paradis, c’est-à-dire le nirvana vivant.

Le premier des êtres humains à réaliser l’éveil.

Bouddha Sakyamuni a retrouvé par lui-même la Voie aux goûts anciens. Il a vérifié que tels que nous sommes à l’origine, nous sommes Bouddha, et il a délivré cet enseignement à l’humanité tout entière.
A partir du moment où l’être humain a utilisé ses capacités réflexives pour satisfaire le désir d’obtenir davantage de sensations, une soif de plus d’existence, il a créé et accumulé du karma. Il est dit dans les sutras :

           La totalité du karma accumulé a pour origine des conceptions erronées. Si une personne souhaite se repentir, laissons-là s’asseoir et méditer sur la vraie nature de toute chose.

C’est ce qu’a fait Sakyamuni Bouddha, il y a 2600 ans : il s’est assis, l’esprit enfiévré, tourmenté par toutes sortes de questions. Décidé à résoudre le problème de la vie et de la mort, il n’a pas bougé. Il est retour-né à l’esprit originel, vaste, illimité, sans souillures – comme l’eau boueuse dans un verre redevient trans-parente si on ne l’agite plus. C’est le même Sakyamuni Bouddha qui, à la fin de sa vie, nous dit :

           Considérez que je n’ai rien dit. En revanche, asseyez-vous en zazen comme je l’ai fait moi-même et abandonnez les désirs illégitimes et les passions affligeantes.

C’est cela la pratique du Zen Sôtô : une façon simple et pure de pratiquer la Voie du Bouddha.
Bouddha Sakyamuni est le maître originel de tous les bouddhistes. Il nous montre que l’on peut vivre corps et esprit unifiés, que l’on peut trouver son chemin sans utiliser l’énergie perverse de l’avidité et de la colère. Il nous demande, par la pratique, de nous libérer de toute souillure, de retourner à l’esprit originel, de retourner à notre vraie nature qui est la même que celle de tout l’univers.

 

Texte de Taiun Jean-Pierre Faure, Abbé de Kanshoji

Taiun Jean-Pierre Faure, l’abbé de Kanshoji, reçoit en 1981 l’ordination de moine de maître Taisen Deshimaru et devient son disciple.

Vingt ans après la mort de maître de Taisen Deshimaru, il reçoit la transmission du Dharma de maître Dônin Minamisawa et devient enseignant certifié de l’école Zen Sôtô.

Il entretient un lien étroit avec son maître Dônin Minamisawa, fondateur du monastère Kanshoji car le zen se transmet de personne à personne, dans une relation intime de totale confiance : la relation maître-disciple.